La
pleine lune pousse-t-elle au crime ? Fait-elle germer les oignons ?
Remplit-elle les maternités ? |
La lune a toujours eu une influence « magique » sur les hommes même si de nos jours, ses effets se sont quelque peu désacralisés. Ainsi, elle aurait une forte influence sur les naissances, sur notre comportement (violence, agressions, sommeil, suicides, etc...), sur les plantes et les animaux, sur la pousse des cheveux, des ongles, sur la décoloration des vêtements, voire sur les carrosseries des véhicules... Il est clair que ce sont deux éléments caractéristiques - et bien réels - de notre satellite qui ont inspiré aux hommes ces croyances : son aspect changeant (les variations de phase et de position), et l’effet de marée qu’elle provoque. C’est pourquoi toutes les influences qui lui sont attribuées sont liées, d’une part, à l’apparition de la pleine lune ou de la nouvelle lune ainsi qu’aux périodes de lune montante ou descendante, et, d’autre part, au phénomène de marée « transposé » aux êtres et aux plantes. Pour essayer de séparer le vrai du faux, nous proposons au lecteur la démarche scientifique : les lois de la physique et leurs vérifications expérimentales constituant les meilleurs remparts contre l'ignorance et l’obscurantisme ! |
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Mouvement orbital
Les éclipses de Lune et de Soleil se produisent à la double condition que la lune soit au voisinage d’un nœud et que la ligne des nœuds soit dirigée vers le soleil , ce qui arrive environ tous les 6 mois. Du fait de la rétrogradation, la période des éclipses a lieu chaque année 8 à 11 jours plus tôt que l’année précédente :
Année Dates des éclipses 2006 2006 Mar 14: Penumbral Lunar Eclipse
2006
Mar 29: Total Solar Eclipse 2006
Sep 07: Partial Lunar Eclipse 2006
Sep 22: Annular Solar Eclipse 2007 2007
Mar 03: Total Lunar Eclipse 2007
Mar 19: Partial Solar Eclipse 2007
Aug 28: Total Lunar Eclipse 2007
Sep 11: Partial Solar Eclipse Tableau 1 : Les dates des éclipses suivent la rétrogradation de la ligne des nœuds |
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La rotation de La Lune sur elle-même a une durée identique à celle de sa révolution autour de la Terre. La Lune présente ainsi toujours la même face vers la Terre. Cependant les phénomènes de libration permettent à l’observateur terrestre de connaître plus de 50% de la surface lunaire. La vitesse de rotation de la Lune étant constante, alors que la vitesse de révolution varie entre le périgée (vitesse maximale) et l'apogée (vitesse minimale), la rotation est alternativement en avance et en retard sur la révolution : en un mois, le globe lunaire tourne une fois vers l'est et une fois vers l'ouest de 7° 53'. C'est la libration en longitude. D'autre part, l'équateur lunaire forme avec le plan de l'orbite lunaire un angle de 6° 40’. Il en résulte une libration en latitude qui dégage tantôt un peu plus de la zone polaire nord, tantôt un peu plus de la zone polaire sud. Enfin, par suite d'un effet provenant de la rotation terrestre, il existe une libration diurne (on n'observe pas au coucher de la Lune la même surface lunaire qu'au lever), mais qui n'excède pas 1°. Ces librations permettent de connaître 59% de la surface lunaire. On
peut mentionner qu'il existe aussi une libration physique
provoquée par une oscillation de la Lune par rapport à sa position
d'équilibre. Autres mouvements Pour décrire plus précisément les mouvements lunaires (le lecteur peut sauter ce paragraphe), on peut encore citer d’autres variations périodiques affectant la trajectoire de la Lune :
De plus, la Lune s'éloigne petit à petit de la Terre, de quelques centimètres par an (4,4 ± 0,6 cm/an). On voit, pour conclure, que les données sur la position exacte de la Lune sur son orbite ne peuvent pas être déterminées facilement à moins d'être des valeurs moyennes ou des valeurs correspondant à une date précise (auquel cas les astronomes peuvent obtenir une bien meilleure précision). La Lune, si près de nous, est un astre dont le calcul de la trajectoire précise est toujours un défi... Forces de gravitation et de marée Le tableau 2 ci-dessous présente les effets
comparatifs des forces de gravitation et de marée exercées sur un être
humain par la Lune, le Soleil, et les planètes proches. Pour chaque
astre, les valeurs sont calculées à partir de sa masse (M) et de sa
distance à la Terre (d), sachant que : Tableau 2
[source : observatoire de Paris http://www.obspm.fr/savoirs/contrib/contrib.fr] D’après ces calculs, on constate que l’intensité de la force de gravitation exercée par le Soleil à la surface de la Terre est 200 fois plus grande que celle exercée par la lune, la force de marée étant quant à elle de moitié. L’influence des planètes reste très négligeable dans tous les cas. Comme
nous le verrons par la suite, ces valeurs sont importantes. Les forces
gravitationnelles ou de marée peuvent-elles expliquer certaines
« influences » de la Lune sur les êtres et les
végétaux ? Les phases de la Lune On appelle ainsi l’aspect qu’elle présente à l’observateur en raison de la variation constante de sa position vis à vis de la Terre et du Soleil : La séparation entre la partie éclairée et la partie dans l’ombre s’appelle le terminateur (c’est la zone où le soleil est rasant à la surface de la Lune, la plus intéressante à observer aux instruments). On distingue 4 phases principales :
Lune montante, lune descendante Comme nous l’avons vu figure 1, le plan de l'orbite de la Lune est incliné de 5° 9' sur le plan de l'écliptique. En conséquence, pendant sa révolution sidérale (environ 27,3 jours), la Lune passe alternativement d'un côté à l'autre du plan de l'écliptique en franchissant les nœuds, d'où les expressions lune ascendante (ou montante) et lune descendante.
2) Il existe des nuits de pleine lune exceptionnelles : En effet, la Lune s’écarte de + ou -5 °de l’écliptique chaque mois lunaire tandis que l’écliptique passe par un minimum et un maximum de hauteur chaque six mois terrestres. Si on examine aux dates de pleine lune, lors du passage de la Lune au méridien, sa distance mesurée en degrés par rapport à l’écliptique, on constate que certaines années, il y a coïncidence entre le maximum de hauteur de l’écliptique (qui a lieu en décembre-janvier) et la hauteur maximale de la Lune au dessus de l’écliptique. De même, il y a certaines années coïncidence entre le minimum de hauteur de l’écliptique (en juin-juillet) et la position la plus basse de la lune en dessous de l’écliptique (figure 3 ci-dessous). Ces coïncidences ont lieu tous les 19 ans environ.
Fig.
3 : Ce graphique donne pour Aix-en-Provence
(lat. 43,5° nord) la hauteur au dessus de l’horizon de la
pleine lune lorsqu’elle culmine au méridien. Cette hauteur est la somme
de la distance Lune-écliptique (courbe 1 de période 11,33 mois) et de
la hauteur de l’écliptique (courbe 2 de période 12 mois). Quand les
maximums coïncident, la pleine lune culmine à 75°, quand ce sont les
minimums, elle ne culmine qu’à 18°. Ces coïncidences se reproduisent
suivant un cycle d’environ 19 ans.
A une latitude voisine de 43°, la pleine lune peut franchir le
méridien à une hauteur comprise entre 17° et 75°, une amplitude
inhabituelle pour l’observateur (si on compare au soleil qui franchit
le méridien entre 23° l’hiver et 70° l’été).
Ces deux
photographies ont été prises à Aix lors des nuits de pleine lune de
juin et de décembre 2005, depuis le haut de la rue Jacques de la Roque,
en direction du sud. En juin, la lune culminait à peine à 18°. Alors
qu’en décembre, il a fallu pointer l’objectif presque à la
verticale pour faire entrer dans le champ la pleine lune culminant à
plus de 75°.
2ème Partie : LA LUNE ET LES SUPERSTITIONS
« Les marins normands, le croirait-on jamais ! attribuent à une
influence lunaire le phénomène des marées… J'ai essayé de combattre
cette bizarre superstition, mais rien n'y fait. D'après eux, c'est la
lune qui régit la marée. Cette croyance est, parait-il, commune à
beaucoup de gens de mer. » Alphonse
Allais CROYANCES LIEES AUX FORCES DE MAREE L’influence (bien réelle, quoi qu’en dise Alphonse Allais !) de la lune sur le phénomène des marées est souvent utilisée pour tenter d’expliquer certaines influences sur les êtres humains et les végétaux, « du fait qu’ils contiennent jusqu’à 80% d’eau ». Or, c'est faire abstraction de l'échelle des choses. L'effet des marées est la conséquence de la force gravitationnelle lunaire mais celle-ci produit ses effets sur Terre uniquement sur des objets dont la masse est très importante comme les océans ou la croûte terrestre, alors que cette force gravitationnelle lunaire est nulle sur des objets aussi minuscules que peuvent l'être les êtres humains ou les animaux. On peut d'ailleurs constater que les mers fermées (donc plus petites que les grands océans) n'ont pas de marées (ou insignifiantes) malgré leur surface et leur masse autrement plus importantes que celles d'un individu. Pour fixer les idées, complétons les données du Tableau 2 par des éléments plus « terrestres » : Les calculs (cf. Tableau 3) montrent que la montagne, la Tour Eiffel et le médecin exercent une force de marée sur l’être humain respectivement 100 000, 1600 et 80 000 fois plus importante que la Lune ! Tableau 3 (complétant le Tableau 2 ) [source : http://charlatans.free.fr] Ceci est évidemment tout aussi vrai pour les animaux ou pour les plantes (on remplacera le médecin par un vétérinaire ou un agriculteur !). A partir de là, on peut comprendre que les pseudo-théories qui associent présence d’eau dans les corps (ou de sève dans les végétaux) et position de la lune ne peuvent être que fantaisistes.
D'aucuns affirment que la Lune agirait sur le liquide amniotique de la mère, provoquant la perte des eaux et l'accouchement. Ce serait pour cette raison que l'on assiste à un plus grand nombre de naissances au moment des changements de phase lunaire... Or, cette dernière affirmation est totalement fausse ! Toutes les enquêtes statistiques sérieuses faites dans les maternités prouvent sans équivoque qu’il n’y a pas plus de naissances les jours de pleine lune ou de nouvelle lune que n’importe quel autre jour du mois (enquête Criss et Marcum réalisée sur 140.000 naissances à New York, 1968 ; enquête de Guillon, Lanzac et Soutoul portant sur 5.927.978 naissances en France entre 1968 et 1974). Une explication fausse (l’effet de marée) pour un phénomène inexistant (pic de naissances aux changements de phase lunaire), ne serait-ce pas là le comble de l’absurde ?!!
Les plantes étant essentiellement composées d'eau, l'attraction lunaire aurait le pouvoir de faire monter la sève et aider la pousse. Mais qu'en est-il de l'attraction terrestre autrement plus importante qui devrait les plaquer au sol ? A-t-on déjà remarqué un verre d'eau ou une piscine se mettant à déborder les soirs de pleine lune ? Voici ce qu'on peut trouver dans un hebdomadaire de jardinage :
Outre le fait qu'il est assez cocasse de constater le rapport qui est fait entre lune "montante" et "ascension" de la sève, tous deux faisant référence au verbe "monter", on observe à nouveau la confusion entre lune montante et phase. Par ailleurs, par rapport à la Terre, la Lune ni ne monte ni ne descend, elle tourne autour tout simplement ! Les
notions d’effet de marée ou de Lune montante et descendante ne
présentent donc aucun intérêt, que ce soit pour le jardinage,
l'émondage ou... la coupe des cheveux. Cela n’empêche pas que
de nombreuses revues de jardinage, ou almanachs « bio-dynamiques »,
proposent des règles à respecter pour "bien jardiner avec la lune". Le
problème, c’est qu’en les examinant de près, ces règles se
contredisent, et varient d'une région à l'autre. Elles résultent d'observations hâtivement
généralisées, mais jamais sérieusement avérées.
Des
« conseillers » en jardinage jamais à court
d’imagination. Apogée,
périgée, nœuds lunaires… 4 jours de repos ! Le
calendrier lunaire compte environ 4 jours par mois, particulièrement
défavorables à toute intervention sur les plantes : • Un jour par
mois, quand la lune est au plus près de la terre (en périgée), elle
apparaît très grosse dans le ciel et son attraction est très importante.
• En apogée, elle est au plus
loin de nous. • Deux jours par mois (nœuds
lunaires), la lune coupe le plan de rotation de la terre autour du
soleil. Durant
ces quatre jours, la nature est " mal lunée "… Les semences germent mal
et l'on peut observer des troubles de croissance des végétaux. Mieux
vaut alors vous reposer ! Ajoutons, pour clore ce chapitre que dès la fin du XVIIe siècle, Jean-Baptiste La Quintinie (1626-1688), jardinier de Louis XIV et directeur de tous les jardins fruitiers et potagers royaux, met en évidence l'absence d'influence de la Lune sur la croissance des végétaux (Instructions pour les jardins fruitiers et potagers, 1690).
Pleine lune et nouvelle lune seraient responsables de diverses influences sur notre comportement : insomnies, suicides, accidents, urgences psychiatriques, homicides…
Comme pour les naissances (cf. plus haut), des études ont montré qu’il n’existe pas de corrélation
entre la phase de la lune et le nombre de cas relevés dans les hôpitaux
et dans les commissariats. En particulier, Ivan
Kelly, James Rotton et Roger Culver
CONCLUSION On peut comprendre que de nombreuses croyances populaires aient été attachées à notre satellite dans les temps anciens car ce globe mobile, lumineux et changeant provoque les questionnements et les imaginations. Cependant, aujourd’hui, les progrès de la science et les études statistiques prouvent que ces croyances, bien que profondément ancrées dans nos traditions ancestrales, ne sont jamais justifiées… Et même si la Lune perd un peu de son mystère, sa
beauté n’en est nullement altérée.
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